Peut-on traduire “gifted and talented” en Français?

Sans commentaire!

Le titre de mon article est intentionnellement flou. Car on peut le comprendre comme “Existent-ils les mots pour traduire…” tout autant que “A-t’on le droit de traduire…”, et fait référence au vocabulaire utilisé dans le système éducatif anglais.

Pour répondre au premier sens possible du titre, cela donnerait “doué et talentueux”. Mais traduire ainsi cette expression reviendrait immédiatement à répondre au deuxième sens, c’est-à-dire la question de la légitimité d’une telle expression dans le vocabulaire français pour décrire un enfant. On a dans le passé utilisé l’expression “surdoué”, qui a vite été eclipsée par l’expression socialement plus acceptable de “précoce”, représentant cependant un cas extrême d’enfants particulièrement avancés pour leur âge.

En faisant récemment des recherches sur Youtube, je suis tombée par hasard sur la vidéo d’une école dédiée aux enfants “précoces” dans le nord de la France. Cela m’a tout de suite interpellée car je ne croyais pas la France assez ouverte à ce genre de questions pour permettre l’existence d’une telle école. Les enfants de cette école interrogés utilisent sporadiquement le mot “surdoué” pour vite le remplacer par le mot “précoce” utilisé par les adultes autour d’eux. Le reportage fait surtout référence aux difficultés d’insertion de ces enfants pas comme les autres, souvent bien trop mûrs académiquement pour leur âge, à la sensibilité exacerbée et au comportement problématique dans un cadre scolaire. Généralement rejetés et mal compris dans une école publique, ces enfants se retrouvent dans une école privée adaptée à leurs besoins, entourés d’enfants qui leur ressemblent, et où ils peuvent enfin s’épanouir.

En déménageant de Londres pour la campagne anglaise, nous avons fait le choix d’inscrire nos enfants dans la petite école publique primaire du village. A l’époque, une petite centaine d’enfants, tous Anglais. Les enfants étaient, et le sont encore – comme le veut le système anglais- assis dans la classe par groupe de niveau, recevant du travail différent selon leurs aptitudes. De plus, une assistante scolaire s’occupe principalement pour l’apprentissage des mathématiques et de la langue anglaise des enfants “aux besoins particuliers” – ou “special needs” en Anglais. Quelle n’a pas été ma surprise de m’apercevoir que mes enfants faisaient chacun parti, dans leur classe, du groupe des “special needs children” bien qu’assis sur la table de niveau le plus haut, et recevaient par conséquence quelques heures d’enseignement spécifiques avec une assistante scolaire. Car la définition de “special needs” inclue en effet les “gifted and talented”. En tant qu’enfants légèrement “précoces” (pour parler comme les Français), ils bénéficient d’un enseignement adapté à leur niveau afin de s’épanouir à l’école et éviter le principal danger: l’ennui – qui porte bien souvent un enfant à décrocher de sa scolarité ou à adopter un comportement négatif. Ainsi le système britannique célèbre cette différence au lieu de tenter de l’assujettir à une normalité établie. Les enfants “gifted and talented” sont reconnus comme tels tout en pouvant suivre une scolarité publique normale parmi les autres enfants.

La chose la plus incroyable est que personne ne semble vouloir remettre en cause ce système. En ces temps de difficultés économiques et de révision à la baisse du budget, l’école n’a pas pris la décision de couper le nombre d’heures de l’assistante scolaire auprès de ces enfants doués sous prétexte que l’argent devrait se concentrer surtout sur les enfants en grande difficulté scolaire ou sociale – comme on le voit faire avec les zones d’éducation prioritaire en France. Imaginez un peu le tollé si en France on créait des écoles publiques adaptées pour les enfants les plus “avancés”!

Il faudrait beaucoup de courage pour tenter de suggérer au gouvernement français ne serait-ce que des classes de niveau en primaire en fonction des capacités scolaires des enfants ou même quelques activités différentes au sein de la classe. Et pourtant, que croyez-vous que choisiraient les enfants si on leur demandait leur avis?